mercredi 25 février 2015

Écouter Joe Dassin sans comprendre les paroles


Pendant notre première année en Israël, nous avons habité et étudié à « Havat Hanoar Hatsioni », un internat où logent beaucoup d'élèves dont les parents n'habitent pas en Israël. Trois-quatre filles (ou garçons) dans une chambre, deux chambres dans un appartement.
La géographie d'origine de notre groupe (d'environ trente personnes) représentait parfaitement la géographie de la population juive à l'Union Soviétique : Moscou, les grandes villes de Russie et de l'Ukraine, les capitaux des anciennes républiques soviétiques. Par exemple, dans notre chambre logeaient deux filles qui sont arrivées de Moscou, une d'Almaty et une (moi-même) de Kharkov. Dans la chambre voisine - des filles de Bichkek. Plusieurs qualités unifiaient cette géographie diverse, dont l'une, sans doute, était francophilie.
Nos voisines de Bichkek avaient un petit magnétophone (une rareté chez nous à l'époque), et presque chaque soir elles écoutaient Joe Dassin. 
Et si tu n'existais pas
Dis-moi pourquoi j'existerais
Pour traîner dans un monde sans toi
Sans espoir et sans regret
De tous nous francophiles, ma camarade de chambre de Moscou, Anna, comprenait français. Ce qu'elle ne comprenait pas, c'était comment on peut écouter Joe Dassin sans comprendre les paroles. À l'époque, je prétendais déjà comprendre français aussi, comme Anna, donc je faisais oui de la tête, mais en cachette je n'étais pas d'accord : j'adorais les chansons de Dassin sans comprendre une seule parole. Au fil des années, quand j'ai commencé à apprendre le français et à comprendre les paroles de ses chansons, j'étais presque déçue : la beauté des chansons exigeait, à mon avis, les vers encore plus beaux... Mais quand même, avec mon oreille nouvelle « enfrançaisée», je continue à adorer ces chansons.
Et si tu n'existais pas
J'essaierais d'inventer l'amour
Comme un peintre qui voit sous ses doigts
Naître les couleurs du jour
Et qui n'en revient pas

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